Je trouve, sur le cahier contenant mes citations de L’Ecrivain et l’autre de Carlos Liscano, un texte apparemment de moi, dont je ne sais plus s’il retrace une expérience vécue, s’il provient d’un rêve nocturne, d’un rêve éveillé, ou s’il est un mélange de ces trois choses. Le voici :
« Tournée vers les rayons de la librairie des Fossés Saint-Jacques, Liv cherche le livre de l’aboutissement. Derrière elle, sur un fauteuil, un homme majestueux parle d’une voix douce au libraire. Liv ne trouve pas. Elle cherche un autre livre du même auteur et ne le trouve pas non plus. Elle cherche un livre d’un autre auteur, non plus. Elle se tourne vers le libraire : « Comment se fait-il que vous n’ayez pas le livre de l’aboutissement ? » Le libraire répond : « Je l’aurai dans trois semaines ». Liv dit : « C’est trop long, je le voudrais maintenant. »
L’homme majestueux lève les paupières :
— Moi je l’ai en trois exemplaires.
Il est élégant, ses doigts sont fins.
— Vous tenez à les garder tous les trois ? dit Liv en souriant.
— Ils sont à Buenos Aires.
Liv sourit encore, laissant venir la suite :
— Il y en a un que j’ai dû acheter en 1978… Il est jaune et crevassé, les pages se détachent… Un autre avec des gravures originales d’Apiès, tirage limité, un beau livre… Tu te souviens de cette édition, Miguel ?
Sa voix s’adoucit encore, rêveuse, et chante presque :
— Un livre d’une insondable beauté, un des seuls que j’emmène avec moi dans mes voyages, un des rares livres qui me sont indispensables… L’avoir à ma portée… Je l’ai perdu, racheté, puis retrouvé… »
Le texte s’arrête là, inabouti comme la recherche de Liv. Qu’est-ce que le livre de l’aboutissement ? Un coup d’œil sur Internet me donne deux titres contenant ce mot mais je doute que ces livres soient d’une insondable beauté. Pas de trace non plus d’un graveur nommé Apiès.
Apiès : Tapiés ?
Le livre de l’aboutissement, c’est pour moi celui que je cherche en vain à écrire, avant de… disparaître! Celui qui m’accompagne à travers tous les voyages, disloqué, perdu, parfois retrouvé et perdu à nouveau. Un rêve d’incomplétude, de désir et de vérité!
Un abrazo!
Restons inaboutis !
Un abrazo