Petites notes de juillet

8h du matin.
Le sulky trotte et le ferry glisse.

J’ai fait mienne la phrase de Proust : « Je sens comme un allons plus loin ». Il m’arrive aussi de me dire : « Je veux comme un allons plus loin. » Pas sûr que je sois obéie, mais si je ne voulais pas, est-ce que je sentirais ?

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Les personnes efficaces disent : « Les choses ne se font pas toutes seules ». Mon expérience est que certaines choses se font toutes seules. « On ne sait comment », dirait Pirandello dans la troublante pièce qui porte ce titre.

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J’ai entendu un jour Pierre Bergounioux dire qu’il n’écrivait pas sur la beauté du monde. Cette intransigeance ne mollit pas chez lui avec l’âge. Maman disait que les vieilles dames devenaient soit grasses, soit sèches. Moi qui note le cheval qui trotte et le bateau qui glisse, il se peut que j’aie choisi la graisse.

Mais je ne suis pas sûre qu’il faille prendre au pied de la lettre Pierre Bergounioux. C’est bien lui qui dit dans L’Arbre sur la rivière : “Nous avions retrouvé l’eau, les jeux éternellement changeants dont elle possède, avec le ciel, l’insigne privilège”. Et : ” Chaque rencontre avec elle effaçait toutes les autres, nous rendait à nous-mêmes, à l’heure toujours neuve qu’il est”.  Etc.

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La bêtise du monde me donne parfois envie de dire des petites choses méchantes. A Merville cette bêtise se concentre aujourd’hui sur un perron de villa en gravier rose où sont alignés deux ou trois sept-nains, une princesse qui n’est pas Blanche-Neige, un Donald à casquette d’amiral, un Mickey dont le corps est une grosse quille jaune, un moulin aux ailes marronnasses, un tourniquet-grenouille qui tire la langue…

Mais sur le toit se pose une pie, une vraie. La beauté du monde en côtoie la bêtise.

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2 réponses à Petites notes de juillet

  1. Merci d’évoquer Pierre Bergounioux…

    Pierre Bergounioux, La casse .

    «Je ne sache pas qu’il y ait un sens à la vie. Le mieux qu’on puisse faire, c’est de passer avec nos semblables le temps qui nous est départi parmi les choses qu’on a touchées, les bonnes, de préférence. Mais c’est pure supposition de ma part. Aussitôt que rien ne me retient plus, je me hâte de regagner la lande, qui proclame sans phrase l’essence de notre condition: un inutile et bref intermède d’individuation entre deux éternités de néant. Je m’arrête juste avant, sur la frange disputée où l’épilobe et le sureau poussent dans des voitures un peu anciennes.»

    Pierre Bergounioux

    “Il n’est rien qui puisse nous faire baisser les yeux, plier le genou, ou tomber la plume.”

    Pierre Bergounioux, Exister par deux fois. Entretiens (2007-2012)

    «Extérieurement, je suis bien le monsieur d’un certain âge que le temps a fait de moi mais dedans, une poupée gigogne, la totalité emboîtée de ceux qu’on a été, jour après jour».

    Pierre Bergounioux Entretien Frédéric-Yves Jeannet – Pierre Bergounioux Diacritik, 21/02/2017

    «On est un peu comme des enfants qui s’enfoncent, en peur, dans le taillis et se hèlent les uns les autres pour tenir la direction, se donner mutuellement courage, s’y et se retrouver. Je ne sais.»

    Pierre Bergounioux

    «Le monde reste une énigme. Il est neuf chaque jour, et il nous appartient de le déchiffrer. C’est notre affaire, à nous les vivants, d’interroger ce mystère. Et même si nous échouons finalement, au moins aurons-nous livré bataille.»

    • Merci, Claude. Je vais essayer de me procurer “Essayer par 2 fois”. J’aime beaucoup l’image des poupées gigogne, des enfants qui se hèlent, et l’énigme du monde. Je retrouve aussi dans un cahier cette phrase, tirée d'”Ecole : mission accomplie” : “Un livre, s’il vaut, c’est pour porter au jour les structures secrètes de l’existence, celles qu’une faiblesse, une souffrance, seules, permettent de déceler derrière sa surface anodine”.

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