Je veux dresser ici la liste de toutes les répliques cinglantes que j’aurais aimé faire dans ma vie et que j’ai ratées. Je commence :
– A une certaine Stella, ravissante Américaine de vingt ans aux grands yeux bleu-vide (une rivale en amour, je crois), qui me demandait avec un faux air tourmenté, à moi qui en avais trente-deux : « Comment peut-on supporter de vieillir ? » J’aurais dû répondre avec un regard aigu : « Très bien quand on a quelque chose dans le ciboulot ».
Mais j’ai beau fouiller dans le passé, je n’arrive pas à consigner ici une deuxième réplique que j’aurais manquée : soit que j’aie toujours répondu du tac au tac (ce qui m’étonnerait), soit que l’escalier de mon esprit se dérobe et me laisse trépigner sur le palier. Qu’est-ce que j’aurais dû répondre à oncle Gérard, par exemple (voir billet du 22 juin), qui ne soit pas : “Pauvre con” ? (Ce genre d’interjection fuse parfois de moi comme une roquette). J’aurais pu répondre avec dignité : « Vous êtes bien placé pour savoir qu’on peut tenir quelqu’un pour condamné sans qu’il le soit. » Et j’aurais ajouté une phrase plus incisive que vingt-six ans après je n’arrive toujours pas à lui assener.
Mais je vois que mon esprit d’escalier me conduit à ruminer, que cette rumination me fait sentir encore plus mon esprit d’escalier, et que les fibres de mes pensées s’emmêlent comme les troncs de mon noisetier.