A Cabourg…

des panneaux offrent à la lecture des passants des extraits d’À l’Ombre des jeunes filles en fleurs et de Sodome et Gomorrhe : le kiosque à musique, l’arrivée des fillettes à l’extrémité de la digue comme une bande de mouettes… accompagnés de photos sepia de Proust et du Cabourg-Balbec de l’époque.

Rien ne surgissait en moi de ces phrases sur les lieux mêmes : le graphisme mièvre et le format carte postale géante les affadissait et leur contenu se mettait en travers de mon regard sur la mer en même temps qu’une vérité prenait l’évidence d’un proverbe : il y a loin du réel aux mots et il y a encore plus loin de la littérature au tourisme.

Le maire actuel de Cabourg aime Proust et se donne du mal pour mettre en valeur cet héritage de sa ville en organisant expositions, conférences et concerts autour de l’œuvre pour aller au-delà de l’exploitation commerciale d’un nom.

L’heure n’est pas aux moues dédaigneuses devant un travail patrimonial sincèrement effectué. De beaux parcours littéraires sont actuellement donnés en Normandie sur les merveilleuses villas où a séjourné Proust http://www.terresdecrivains.com/Balades-avec-Proust-a-Trouville.

Il n’empêche que c’est à deux cents kilomètres de Cabourg, dans mon fauteuil parisien, que j’ai effectué ma promenade Marcel Proust, en me  représentant (sans doute à tort mais qu’importe ?) l’auteur essayant de déchiffrer rêveusement la marche impénétrable des mouettes sur la plage de Cabourg-Balbec pendant que se formait en lui l’image d’Albertine et de sa bande d’amies. L’imagination de l’écrivain occupe au fil de ma lecture tout l’espace, je le vois qui dessine de plus en plus précisément ses jeunes filles au milieu d’autres promeneurs, accompagne ses descriptions d’hypothèses sur leur caractère, déplace sa rêverie vers d’autres lieux et d’autres temps, avant d’en arriver à l’anecdote de la compagne d’Albertine qui, utilisant une tribune pour musiciens comme tremplin (ce que je n’arrive pas à me représenter car j’ai toujours du mal à saisir les explications des romanciers sur les lieux), saute avec désinvolture au-dessus d’un vieux banquier impotent “épouvanté, dont la casquette marine fut effleurée par les pieds agiles”. C’est alors que ce Balbec vivant se superpose au Cabourg que je connais et qu’un contact a lieu entre un paysage, un écrivain et une lectrice.

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *