Deux notes de juin

Une maman

Un ami remarquait que les adultes ne disent plus beaucoup dans la conversation “mon père”, “ma mère” ; mais “maman”, “papa”. Surtout “maman”. Une chanteuse interviewée à la radio répétait même l’autre jour : “ma petite maman”, d’un ton protecteur.

Sur le tract électoral intitulé Votez Marion La France fière, Marion Maréchal se présente d’emblée aux Français : “Je suis une maman”… Puis : “Je suis une Française”, etc.

Pétainisme et cuculisation (aurait dit Gombrowicz).

Clé noire

En revenant du marché je croise une grande femme à cheveux gris au milieu de l’avenue. Je l’entends qui m’interpelle d’une voix sourde : “Madame…” Le deuxième coup d’œil me confirme que ce n’est pas une mendiante. Elle tourne et retourne une clé noire dans sa main mais elle n’a pas de sac. J’hésite à lui prêter attention, elle me regarde, balbutie :   “Métro… Val de Marne…” Son regard est flou et insistant. Je dis : “Val de Marne ?… C’est trop loin… Ici on est au centre de Paris”. Je ne sais pas comment la lâcher. Il y a un banc vert à côté, je lui dis : “Vous devriez vous asseoir un peu”, et je m’en vais. Mais la chose me tracasse et je décide de revenir sur les lieux de la rencontre. Il n’y a plus personne. J’entre dans le café du coin et demande au barman s’il a vu une grande dame égarée. Oui, il l’a vue, il y a cinq minutes : “Elle est partie par là…” Le regard de ce barman est humain. Je lui dis que je vais essayer de la retrouver et appeler les pompiers. Un client du bar me toise d’un air froid. Je fais cent mètres dans la rue mais elle a disparu. Je m’aperçois que je tourne mon jeu de clés dans ma main (“la main de l’hystérie”, aurait dit Baudelaire), et je rentre chez moi.

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2 réponses à Deux notes de juin

  1. François LE GUENNEC dit :

    Comme on aimerait une suite dans laquelle vous retrouveriez la grande femme, où peut-être vous pourriez la secourir, la reconduire en Val de Marne. A moins qu’elle ne vous mette sur la piste de dangereux trafiquants…
    Amicalement,

  2. Daniel Levinson dit :

    Alzheimer hélas, qui prive de repères et fait errer à la dérive, à toute heure, une clef noire à la main. Ou un ours en peluche, ou un bouquet d’immortelles.

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