Une araignée dans la tête

Grand-mère, qui ne m’aimait pas, disait que j’avais une araignée dans la tête. Enfant je trouvais ça inquiétant mais aujourd’hui je suis plutôt satisfaite de cette locataire. Les araignées ont six ou huit yeux qui les font regarder devant, derrière, de côté, en bas et en haut. C’est mieux qu’un phare maritime ou que l’homme d’Ovide ! Elles n’ont pas d’oreilles, certes, mais les poils qui les recouvrent leur donnent l’ouïe et l’odorat en même temps que le toucher. Être réceptive aux moindres mouvements de l’air ! Entendre et sentir par le toucher ! Avec pareille richesse en tête je serais un Crésus sensoriel, grand-mère.

Je me construirais comme les mygales maçonnes une toile dite “en tube » enfouie aux trois quarts dans le sol, et de mes chélicères acérées je crochèterais les grand-mères qui ont eu la malchance de s’approcher de mon bas de soie captieux.

Louise Bourgeois, “L’araignée et la tapisserie”

Les parents de Louise Bourgeois tenaient un atelier de restauration de tapisseries. Pour cette artiste, reine des araignées, le fil prédateur est aussi celui qui restaure. Son œuvre, dit un bon article que je mets ici en lien, est une toile d’émotions et de souvenirs qu’elle tisse et détisse et retisse : “I do, I undo, I redo”.

http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-bourgeois/ENS-bourgeois.html

 

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3 réponses à Une araignée dans la tête

  1. marie-paule Farina dit :

    bien Nathalie, grâce à toi je viens de me détendre un peu après une discussion fatigante sur la rumeur des roms. Merci 🙂

  2. J’ai moi-même souri en découvrant ton fil d’araignée qui mène au ciel. Encore une coïncidence !

  3. Ma grand-mère María ne m’aimait pas beaucoup non plus. Elle était très âgée et avait un peu perdu la tête. J’étais le tardillon. Quand je passais près d’elle, elle me donnait un “calbot” ( en valencien, cop de mà que es dona al cap). Bueno, ¿qué se le va a hacer? Cela ne m’ a pas vraiment traumatisé. Merci pour le lien sur Louise Bourgeois.

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