Coup de gueule d’octobre

Marre, archimarre et ratamarre que des personnes travaillant dans l’écriture et l’édition mettent encore sur le tapis, en septembre 2022, la question de la féminisation du mot auteur. Je vois circuler ces derniers temps sur Facebook un article du Figaro intitulé « Ces femmes de Lettres qui refusent d’être des autrices ou des auteures ». Suivent quelques noms : Eliette Abecassis, Nathalie Heinich, Hélène Carrère-d’Encausse…

Certes, je comprends parfaitement cette célèbre phrase de Nathalie Sarraute :

Quand j’écris, je ne suis ni homme ni femme ni chien ni chat, je ne suis pas moi, je ne suis plus rien.

Mais quand une femme pose sa plume ? Quand elle redevient un être social présenté par un journaliste, un libraire, un éditeur (qui, si c’est une femme, n’aimerait peut-être pas trop qu’on ne l’appelle pas éditrice) ?

Certains arguments donnés dans cet article du Figaro me rappellent le personnage de Claude Dorsel (de son vrai prénom Claudine),  le « garçon manqué » (comme on disait au siècle dernier) dans la célèbre série Le  Club des cinq : par ses actes de bravoure, Claude méritait à la fin de chaque épisode d’être un garçon (selon le verdict transgénique de son grand cousin François). Serait-il plus dégradant d’être autrice qu’auteur, comme de s’appeler Claudine au lieu de Claude ?

Consultons maintenant le dictionnaire Reverso : Espagnol : autor/autora. Portugais : autor/autora. Italien : autor/autrice. Roumain : autor/autoare.

Le français doit-il faire exception parmi les langues romanes, quand l’Académie a enregistré la féminisation de ce nom il y a trois ans ?

Aliénor Vinçotte, qui a écrit l’article contre lequel je vitupère, invoque l’éternel argument de « la musique de la langue ». Mais en quoi diable « autrice » (mot existant depuis la nuit des temps, voir les travaux d’Aurore Evain), serait-il plus blessant pour l’oreille qu’”actrice”? Ou si l’on préfère : en quoi “auteure” contrevient-il aux règles de l’harmonie quand le français a la chance de posséder cette jolie voyelle finale que d’autres langues lui envient ?

(J’ai en passant une honte mêlée de pitié pour cette journaliste en lisant qu’elle se réclame d’Eliette Abécassis, « cette écrivain qui se déclare féministe » (je souligne). Si on considère les auteurs et les écrivains comme des êtres non genrés et le masculin comme un neutre (ce que soutenait, par exemple, en son temps, Nathalie Sarraute), “cette écrivain” est une grosse faute d’accord).

***

L’autre jour, j’ai entendu une voix féminine sur mon interphone : « Bonjour, je suis la factrice et j’ai un paquet pour vous ».

Tout simplement.

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5 réponses à Coup de gueule d’octobre

  1. Jacques Lèbre dit :

    Chère Nathalie de Courson, je me suis longtemps posé la question avec “poétesse”, qui rime avec tant d’autres mots. Et pour finalement m’en tenir à “poète”, au masculin comme au féminin: la poète. Poète étant sans doute un mot androgyne.

  2. Dany Pinson dit :

    Une poète ou une poétesse, l’un ou l’autre devrait ou devraient pouvoir se dire.
    Une auteure me plaît bien, une autrice aussi. En revanche, une auteuse, tout aussi légitime, sonne horriblement.
    Il faudrait demander à Aliénor son avis sur les féminins de vainqueur et de témoin, je me pose depuis longtemps la question, restée en suspens jusqu’à ce jour.
    Petite anecdote : interrogeant un jour mon collègue Bobo au sujet de marrons glacés, pour savoir si sa fille était amateure, ou amatrice ?, il me répondit que de toutes façons, elle était à matrice. Un sourire pour calmer votre ire, Nathalie.

  3. ROBINET dit :

    Autrice, actrice, factrice… en effet c’est très bien ! Le langage est assez souple pour féminiser avec grâce ce qui exige de l’être. Tout se complique quand on le brusque ou le malmène, le priant de rendre gorge pour la bonne cause. Si on veut l’enrichir il faut que ce soit avec poésie. Cela me fait penser, malgré la différence de registre, à la difficulté de la liturgie catholique de se remanier après Vatican II ! Mais je m’égare !
    UN ABRAZO
    PS_ L’erreur n’est-elle pas souvent de forcer un mot masculin pour le féminiser ? C’est toujours tirer la femme de la côte d’Adam. On devrait parfois inventer un mot tout neuf!

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