La peur d’un mot

Une nuit j’ai rêvé d’un nouveau-né que je tenais, solidement emmaillotté, le dos strié de bandes blanches.
J’ai écrit le rêve sur mon carnet et le mot emmaillotté m’a semblé bizarre avec son double m aux doubles jambages. Ces m et les doubles lettres qui le suivent m’étouffaient comme un bandage trop serré.

Quand L. était petite, elle n’aimait pas que je lui fasse écouter une histoire de Graeme Allwright intitulée Matou revient. Elle m’a expliqué plus tard que c’était parce qu’au début de l’histoire il y a un « crapaud à l’œil maussade » et que maussade lui faisait peur, plus peur que le crapaud qu’il qualifiait.

Ces expériences me font comprendre à ma manière cette mystérieuse remarque du poète américain George Oppen cité par Pierre Vinclair dans Vie du poème :

Lorsque l’homme qui écrit est effrayé par un mot, il a sans doute commencé à écrire.

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2 réponses à La peur d’un mot

  1. marie paule farina dit :

    je lis ton texte à Raymond et il me dit: “c’est marrant, j’ai pensé aujourd’hui que je pourrais écrire des poèmes sur des mots dont je ne connais pas le sens mais que j’aime et me répète sans éprouver le besoin d’aller voir ce qu’ils signifient, par exemple un mot trouvé il y a très longtemps chez Baudelaire et que je n’ai jamais utilisé: “dictame”

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