… sur un fauteuil pivotant qui me donne accès à une petite bibliothèque, je lisais Henri Michaux : Vous aimez quelqu’un, vous l’admirez ? Essayez plutôt de produire en vous ce qui paraît si extraordinaire en l’autre. (Passages.)
Et l’air s’est fait plus léger. Merci à ce poète qui me libère de la vénération que je lui porte !
J’ai pensé à Beckett qui conseillait à Charles Juliet : Éloignez-vous, et de moi, et de vous.
Et de vous ? Beckett fait maintenant pivoter mon fauteuil vers Antonio Porchia : Et si je ne pouvais m’éloigner de moi, je ne pourrais m’approcher de personne, de rien. Même pas de moi. (Voces reunidas, traduction de ma patte).
… Et Porchia me tourne à son tour vers une semaison de Philippe Jaccottet, via Jacques Lèbre à la première page du Poète est sous l’escalier : L’attachement à soi augmente l’opacité de la vie. Un moment de vrai oubli, et tous les écrans les uns derrière les autres deviennent transparents, de sorte qu’on voit la clarté jusqu’au fond, aussi loin que la vue porte ; et du coup plus rien ne pèse. Ainsi l’âme est vraiment changée en oiseau.
Qu’il est bon, pour l’envol de l’âme, d’avoir un fauteuil de bureau pivotant et une bibliothèque amie dans son dos !
Pivotent les fauteuils, le soleil et la terre, les pensées amicales qui sont reflets de ce qui sommeille au plus profond de nous. L’idée est si belle que toute découverte n’est que souffle qui attise nos braises ! Ce que nous cherchons chez un écrivain ou un poète c’est le déclic qui illumine notre cave d’Aladin. Ils éclairent notre trésor en attente. C’est ce qui nous éblouit : la magie d’une rencontre qui nous révèle à nous-même. Ainsi nous n’en finirons jamais de faire pivoter notre attente pour découvrir grâce à l’autre notre richesse la plus intime, la plus présente, la plus méconnue. L’autre n’est pas la source, mais le sourcier qui parfois la débonde. Gracias. Un abrazo.
Merci, Jacques, pour ces gambades et pirouettes qui ensoleillent nos journées d’hiver. Un abrazo
Chère Nathalie,
heureux de vous voir pratiquer les correspondances ! Qu’un livre renvoie à un autre, c’est le signe d’une communauté, plus grande que nous.
Bien amicalement.
“Le poète est sous l’escalier” est derrière mon fauteuil pivotant, avec tout ce qu’il ouvre !