Question de place
Il y a des jours où, je ne sais pas pourquoi, tout ce que je fais ou dis est un peu à côté de la plaque. Hier, en allant au marché, un Monsieur m’a dit “bonjour”. J’ai répondu poliment, puis je l’ai dévisagé et lui ai dit : “On se connaît ?” Gêné, il a marmotté quelque chose d’incompréhensible et s’est détourné.
Puis, chez mon vendeur préféré de pommes, poires, endives, la queue était longue. Il n’y avait plus que deux personnes devant moi quand j’ai vu arriver une non-voyante. Je l’ai prévenue de l’attente et lui ai proposé ma place. Elle m’a répondu : “Mais non, j’attendrai comme tout le monde”. Elle s’est mise en bout de file en répétant : “Je fais la queue comme tout le monde”.
Autre question de place
Dans le métro, une dame grande, un peu vieille (quatre ans de moins que moi, peut-être ?) me demande avec angoisse de lui céder le strapontin sur lequel je suis assise. Je me lève, légèrement étonnée car le strapontin d’à côté est libre (près d’un homme debout qui consulte son téléphone). Elle ne s’assied pas et dit, suppliante, au bord des larmes : « Je suis électrosensible et ne supporte pas les téléphones ! ». Elle regarde autour d’elle d’un air éperdu, puis descend précipitamment à la station suivante. Que pouvais-je faire pour elle dans ce wagon plein de smartphones, comme tous les wagons de tous les métros de partout ?
Au musée du Louvre une demi-heure plus tard, je suis frappée par la ressemblance de cette femme (qui n’avait pas tout à fait quitté mon esprit) avec le modèle d’un portrait de Géricault : La Monomane du jeu, appartenant à la série des cinq “Monomanes”. Même visage en longueur, même regard tourné vers le dedans.
Chez moi, Internet me dit que l’hypersensibilité électromagnétique (HSEM) est reconnue par l’OMS sans que soit identifié le syndrome qui en est la cause. Puis je navigue vers des photos des extraordinaires Monomanes de Géricault, et enfin vers un article de Jean-Yves Tadié, Proust et la peinture : il analyse comment l’écrivain, à travers son narrateur ou certains de ses personnages, aime à retrouver dans la peinture des traits particuliers des personnes qu’il connaît.
Chère Nathalie,
Vous êtes, en tout cas, spirituosensible, si le mot existe. S’il n’existe pas, créons-le pour vous.
Mais votre “On se connaît ?” tout de même !
Brassens chantait:
“Car aujourd’hui c’est saugrenu
Sans être louche on ne peut pas
Serrer la main des inconnus,
On est tombé bien bas, bien bas;
Et ma pauvre poignée de mains,
Victime d’un sort inhumain,
Alla terminer sa carrière
A la fourrière !”
J’en profite pour vous dire que La Vie culturelle en 19** a trouvé repreneur, une jeune Strasbourgeoise très active. N’aurez-vous pas pour nous un de vos traits si spirituels à propos de 1931 (ou 32 ou 33) ?
En toute amitié,
Merci pour cette chanson de Brassens que je ne connaissais pas, et surtout pour votre bienveillance.
Contente que La Vie culturelle en 19** renaisse. C’est une revue de qualité. En 1933, Henri Michaux publiait “Un Barbare en Asie”. Il y a environ 1 an, j’ai dit ici 3 mots sur sa vision du Japon, et sur la manière dont il s’en est excusé ensuite. Il y aurait peut-être quelque chose à faire sur le Japon des années 30 dans la littérature francophone, sans oublier le Hergé du Lotus bleu ? A voir !