Petites notes de février

Iftikhar

Je garde le souvenir d’un haïku écrit par la petite Iftikhar, élève de 6ème :

le monde est beau
les gens riches
les gens pauvres

Je l’ai rencontrée six ou sept ans plus tard dans la rue, voilée de noir, sans un cheveu qui dépassait, l’air heureux, glorieux, même.

Deux petites notes autour d’Edgar Poe

Harry Clarke, illustration pour “Une Descente dans le Maelstrom”

Il m’arrive de temps en temps de penser avec effroi à l’étrange et pensif narrateur du conte Bérénice qui, contemplant sa cousine et fiancée, croit que « toutes ses dents étaient des idées ».

Des idées ! Ah ! voilà la pensée absurde qui m’a perdu ! des idées ! — ah ! voilà donc pourquoi je les convoitais si follement ! Je sentais que leur possession pouvait seule me rendre la paix et rétablir ma raison.

(J’ai plutôt l’impression aujourd’hui d’être entourée de gens dont toutes les idées sont des dents, ce qui m’effraie d’une autre manière.)

Harry Clarke, illustration pour “Landor’s Cottage”

Mon amie Tatiana voit la psychanalyse et la littérature comme deux montagnes jumelles escarpées. Je me suis longtemps demandé s’il y a un téléphérique pour passer de l’une à l’autre. Aujourd’hui il me semble que c’est plutôt un fil invisible, un cours d’eau souterrain en pointillés, ou une route comme celles qu’affectionne Edgar Poe :

Le sol était singulièrement ondulé ; et, depuis une heure, le chemin, comme s’il voulait se maintenir à l’intérieur des vallées, décrivait des sinuosités si compliquées, qu’il m’était actuellement impossible de deviner dans quelle direction était situé le joli village de B…, où j’avais décidé de passer la nuit. Le soleil avait à peine « brillé », strictement parlant, pendant la journée, qui pourtant avait été cruellement chaude. Un brouillard fumeux, ressemblant à celui de « l’été indien », enveloppait toute chose et ajoutait naturellement à mon incertitude.

(Le Cottage Landor, Histoires grotesques et sérieuses, traduction de Baudelaire)

Gros mots

Il n’y a plus grand monde qui s’exclame en France « purée » au lieu de « putain », ou  “mercredi » au lieu de « merde ». De même qu’on ne s’exclame plus en Espagne “joroba” (bosse) à la place de « joder » (verbe baiser), ni « ostra » (huître) à la place de “hostia ».

Mais on a gardé en Espagne l’usage de profaner exclamativement les hosties. La langue fait surgir le tréfonds chrétien que les mœurs tendent à effacer. La France laïque et crue a pour sa part oublié « pardieu », « tudieu » et « palsambleu ».

Je plaide donc pour le retour de « Ventre Saint-Gris », juron préféré de Henri IV, euphémisme obscur de « ventredieu » mêlé de « vendredi saint » ou de « ventre du Saint-Esprit » (Wiktionnaire).

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4 réponses à Petites notes de février

  1. marie-paule Farina dit :

    “mercredi” à la place de merde je ne connaissais pas, par contre j’ai dit “puréééée”, avec l’accent, toute mon enfance en Algérie et là tu viens de me le faire retrouver et je le fais rouler avec plaisir dans ma bouche, je le répète et répète “puréééée” et pour moi ce n’est pas un euphémisme, putain ne me procure pas ce plaisir 🙂 Merci Nathalie

  2. Dany Pinson dit :

    Autres profanations hispaniques de notre jeunesse qu’on n’entend guère aujourd’hui :
    – me cago en la leche,
    – me cago en diez (faut le faire !),
    – me cago en la mar, parfois en la mar salada (ça, c’est plus facile).
    Se souvenir que les gens polis remplacent le viril ”me cago” par un délicat ”mecachis”.

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