Perdre sa perte

En lisant l’autre jour, grâce à C. Ferrandiz, cette phrase d’une « poésie verticale » de Roberto Juarroz :

Solamente si has perdido tu pérdida, cortaremos el hilo para empezar de nuevo

« C’est seulement si tu as perdu ta perte que nous couperons le fil pour recommencer »,

j’ai éprouvé une sensation de bien-être avec ce « nous » amical qui doit m’aider à couper des fils.

Mais j’ai pensé aussi à l’enveloppe agrafée, déchirée, et vide que j’ai trouvée un jour dans la poubelle du vieil About après son départ définitif de chez lui. On y lisait ces mystérieux mots écrits de sa main :

Trouvé après perte de la perte de tout d

Dans cette interminable « perte de la perte d… » ‒ chaque perte m’évoquant une des marches de l’escalier que descend le damné de Baudelaire sans lampe et sans rampe ‒ quelle perte avait-il trouvée, agrafée dans l’enveloppe, et tout de suite perdue dans la poubelle ?

Je ne le saurai jamais car je crois avoir aujourd’hui perdu la perte de sa perte.
Et le fil n’a pas besoin d’être coupé car il se résorbe, comme un point de suture, dans cette perte de la perte.

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7 réponses à Perdre sa perte

  1. Marie Paule et Raymond Farina nous ont lancé dans la poésie de Roberto Juarroz. Depuis l’autre jour, je suis dans ses poèmes. Je vais essayer d’en tirer quelque chose et publier quelque chose dans mon blog. A ver.

  2. marie-paule Farina dit :

    on est très fiers de vous avoir servi de point de départ, le mérite en revient à Roberto Juarroz mais quand même on est là, et tous les deux en plus, alors on attend la suite de notre pichenette de départ 🙂 🙂 qui sait peut-être déclenchera-t-elle un cyclone? A ver

  3. Ferrandiz dit :

    Rédigé vite et mal. Veuillez m’excuser.

  4. robinet dit :

    empezar de nuevo… el sueño que a veces nos impide dormir…
    Le souhaiterais-je vraiment ? Certainement pas , ou bien tout à fait autrement. Je trouve très émouvant ce mot dans la poubelle du vieux Monsieur à-bout. Peut-être, est-ce à cause de mon âge que tout cela me remue étrangement. Cortar, empezar… la lucha nunca termina del todo. Merci pour ce blog si particulier. Un abrazo.

  5. Dany Pinson dit :

    L’enveloppe déchirée semblait être vide, mais elle contenait une enveloppe vide et perdue qui contenait une enveloppe vide et perdue qui contenait une semence de récit. Vértigo, torbellino, vorágine, recuerdo.

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