Le hasard m’a fait lire à peu près en même temps deux livres récents : une série d’entretiens de Jon Fosse avec Gabriel Dufay : Écrire, c’est écouter ; et le recueil de quatrains de Jacques Robinet : L’Herbe entre les pierres.
Ma patte en fait ici des citations croisées de manière à établir entre leurs auteurs une sorte de fraternité.
(Les citations de Jacques Robinet sont en italique et celle de Jon Fosse entre guillemets.)
N’écrire que par surprise
sans mendier ni brusquer
comme on marche sur la rue
entre des éclats de soleil
Agir par surprise
quand la clarté se dévoile
Saisir l’instant furtif
où la proie se découvre
“Il s’agit de saisir l’insaisissable, de capter ce qui se passe au moment du passage du jour à la nuit ou de la nuit au jour. J’écris principalement sur les intervalles, les interstices.”
Vent léger
passe incertain
pour apaiser
ce qui tremble en moi
Choisir les formes brèves
de poèmes volatiles
Alléger sa besace
S’en remettre au vent
“Le vent ressemble à la respiration humaine. Le vent est relié au souffle, à la respiration, et pour moi à l’esprit sacré.”
“Pour moi écrire, c’est écouter. J’écoute des voix silencieuses. (…) Je suis à l’écoute de forces obscures et floues, des forces intérieures, des sons émotionnels, en quelque sorte.”
“La musique me touche directement, elle produit comme une injection d’émotions trop fortes pour moi. Je suis trop… trop musical, en un certain sens, pour pouvoir écouter la musique.”
Ce qui n’est pas musique
est inutile
Ce qui est musique
en nous se perd
“Mais si j’en écoute, j’aime particulièrement écouter Jean-Sébastien Bach. La clarté, la rationalité, la beauté des compositions et des structures. (…)”
Où suis-je parvenu ?
Rêveuse la flûte de Bach
aborde des îles silencieuses
qui n’existent que par elle
Notes de piano
un soir d’automne
Lumière d’une lampe
derrière les rideaux
“Dans tout ce que j’écris (…) les personnages sont pauvres mais ne se voient pas, ne se ressentent pas comme pauvres. Ils ont une sorte de richesse intérieure. Ils se débrouillent avec ce qu’ils ont.”
Quête de mots simples
blanchis par l’usage
lavés au courant
d’une vie très ordinaire
Écrire sans guide
ni lisière ni savoir
Vent dans le feuillage
Murmure de peupliers
Des plaines du Gâtinais aux fjords de Norvège on trouve la même attention au monde, la même ferveur, le même désir de “cheminer vers ce qui n’existe pas, et qui existe pourtant”.
“qui n’existent que par elle”, non ?
Je vous suis toujours avec le même ravissement. Mais plus vous descendez dans le grain fin, la nuance impalpable, plus je survole l’histoire : la poésie de Hugo en 18h ce semestre, et à la rentrée, si les dieux le veulent, le théâtre de Voltaire à Koltès en 25h.
“Par elle”, en effet, quel oeil ! C’est corrigé, merci ! Bon courage pour votre course de fond !