8h du matin.
Le sulky trotte et le ferry glisse.
J’ai fait mienne la phrase de Proust : « Je sens comme un allons plus loin ». Il m’arrive aussi de me dire : « Je veux comme un allons plus loin. » Pas sûr que je sois obéie, mais si je ne voulais pas, est-ce que je sentirais ?
***
Les personnes efficaces disent : « Les choses ne se font pas toutes seules ». Mon expérience est que certaines choses se font toutes seules. « On ne sait comment », dirait Pirandello dans la troublante pièce qui porte ce titre.
***
J’ai entendu un jour Pierre Bergounioux dire qu’il n’écrivait pas sur la beauté du monde. Cette intransigeance ne mollit pas chez lui avec l’âge. Maman disait que les vieilles dames devenaient soit grasses, soit sèches. Moi qui note le cheval qui trotte et le bateau qui glisse, il se peut que j’aie choisi la graisse.
Mais je ne suis pas sûre qu’il faille prendre au pied de la lettre Pierre Bergounioux. C’est bien lui qui dit dans L’Arbre sur la rivière : “Nous avions retrouvé l’eau, les jeux éternellement changeants dont elle possède, avec le ciel, l’insigne privilège”. Et : ” Chaque rencontre avec elle effaçait toutes les autres, nous rendait à nous-mêmes, à l’heure toujours neuve qu’il est”. Etc.
***
La bêtise du monde me donne parfois envie de dire des petites choses méchantes. A Merville cette bêtise se concentre aujourd’hui sur un perron de villa en gravier rose où sont alignés deux ou trois sept-nains, une princesse qui n’est pas Blanche-Neige, un Donald à casquette d’amiral, un Mickey dont le corps est une grosse quille jaune, un moulin aux ailes marronnasses, un tourniquet-grenouille qui tire la langue…
Mais sur le toit se pose une pie, une vraie. La beauté du monde en côtoie la bêtise.







2

