Matinées de lecture avec George Eliot

Pour la deuxième fois je commence l’année avec George Eliot, comme on aime la conversation d’une amie pétillante l’hiver au coin du feu. Et sans m’en rendre compte je lui applique sur mon cahier les mêmes mots qu’il y a deux ans sur Middlemarch : “Pertinence, acuité ” (voir lien ci-dessous).

Le Moulin sur la Floss (1860) est à la fois un roman réaliste sur une campagne anglaise gagnée dans les années 1830 par la révolution industrielle, un récit poétique dont l’eau est le principal élément, et un roman d’éducation autour des personnages de Tom Tulliver et de sa jeune sœur Maggie.Je ne me croyais plus capable d’éprouver un élan de sympathie adolescente envers un personnage de roman comme s’il s’agissait d’un être réel, mais celui de Maggie dans les premières parties du livre m’a émue si fort que j’éprouve l’envie de citer ici quelques lignes qui la concernent.

Tom, le grand frère, est un gars de la campagne orienté vers les choses de la nature. Maggie, qui lui voue une grande admiration, est imaginative et tournée vers les livres. Leur père, un meunier, estime que Tom doit recevoir une éducation qui lui permette un jour de devenir notaire, et le met en pension chez un pasteur, M. Stelling. On lui enseigne la géométrie et le latin pour lesquels l’enfant n’a aucune disposition. Maggie, autorisée à passer une semaine près de son frère, se passionne pour ses livres et tente de comprendre les déclinaisons et les théorèmes. Tom un peu inquiet demande au pasteur :

« — Les filles peuvent pas apprendre la géométrie, hein, Monsieur ?
— Elles peuvent glaner un peu de tout, je crois bien, dit M. Stelling. Elles ont beaucoup d’intelligence superficielle, mais elles ne pourraient pas aller loin dans aucune branche. Elles ont l’esprit vif, mais sans profondeur. »
Tom, ravi de ce verdict, exprima son triomphe, derrière la chaise de M. Stelling, en adressant à Maggie des signes de tête, qui avaient une fonction télégraphique. Quant à Maggie, elle n’avait jamais été aussi mortifiée. Elle était si fière que l’on dise qu’elle était « vive », pendant toute sa courte vie, et voilà que maintenant sa vivacité semblait être la marque de l’infériorité.

George Eliot partage très probablement les qualités de son héroïne (elle lisait assidûment les livres de la bibliothèque du manoir dont son père était régisseur et avait elle aussi un grand frère), mais contrairement à ce que suggère Virginia Woolf dans son article Les Femmes et le roman, je ne note pas dans ses propos le souci de plaider la cause des femmes. Les tantes de Tom et Maggie portent en elles toutes les nuances de stupidité, de sensiblerie ou de méchanceté. Eliot possède en revanche un art de pénétrer l’âme de ses personnages, notamment la détresse ordinaire d’une petite fille, que je ne rencontre pas tous les jours dans la littérature.

Meilleurs vœux avec George Eliot

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Résolution

2022 : La mouette graphomane entame une collection de porte-crayons.

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Dernières notes de décembre : vers et rythme

Vers

Michel Butor voulait faire une édition de la poésie de Victor Hugo sans majuscule en début de vers, pour que les mots se déversent mieux les uns sur les autres. N’est-ce pas d’ailleurs suggéré par l’étymologie du mot « vers » ?

                                                                                ***
Rythme

Le romancier Haruki Murakami – grand mélomane par ailleurs – dit dans son stimulant livre d’entretiens avec Seiji Ozawa :

Ce qui compte le plus dans l’écriture ? Le rythme. Sans rythme, pas de lecteur. Sans cela, la lecture devient laborieuse. C’est par exemple le cas pour les modes d’emploi, et ceux qui en ont déjà lu savent à quel point l’expérience est désagréable. (…) En général, on peut prédire l’impact qu’aura l’œuvre d’un nouvel écrivain en fonction du rythme qu’il donne à son style.

Murakami ne cherche pas à donner une définition précise du mot « rythme » en écriture, mais je pense qu’il souscrirait à celle de Benveniste : « Forme dans l’instant qu’elle est assumée par ce qui est mouvant, mobile, fluide ».

Mais il approuverait aussi sans doute ce que disait Nathalie Sarraute dans une conférence – Le langage dans l’art du roman – qui est presque un poème, tant sa forme épouse peu à peu le mouvement de ce qui s’y dit :

C’est la sensation dont il est chargé, qu’il exprime et qu’il dégage par chacun de ses mots, qui donne au langage littéraire les qualités qui le séparent du langage commun.
Il doit s’assouplir afin de se couler dans les replis les plus secrets de cette parcelle du monde sensible qu’il explore.
Il se charge d’images qui en donnent des équivalences.
Il se tend et vibre pour que dans ses résonances les sensations se déploient et s’épandent.
Il se soumet à des rythmes.
Il retrouve des mots ou en découvre.
Il coupe ou allonge les phrases, selon les exigences de ces sensations dont il est tout chargé.
Il devient primordial.
Il s’avance au premier plan.
Il devient l’égal de ce que sont, dans la peinture ou dans la musique, la couleur, la ligne ou le son.

Lien vers un billet de 2020 sur le rythme, avec Virginia Woolf et Henri Michaux :

https://patte-de-mouette.fr/2020/09/24/bonheur-de-lecture-2-avec-woolf-le-rythme/

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Promenade avec Rimbaud

Million d’oiseaux d’or

Phénix sur butte rocheuse, mosaïque syrienne, Vème-VIèmes s., Paris, Louvre.

― Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?

A la question : « Quel est le vers français qui vous émeut le plus ? », je pourrais répondre avec ces deux vers du Bateau ivre de Rimbaud. Ils se trouvent à la fin du 22ème quatrain, juste avant que le bateau poète, épuisé après sa course visionnaire, ne désire plus qu’une petite « flache noire et froide » d’Europe.

L’interrogation est inquiète mais pas désespérée : le Million d’oiseaux d’or ne fait que dormir, la Vigueur tutoyée n’est pas morte, et le mot future ouvre la possibilité de nouveaux départs. Ce qui me touche le plus, c’est l’apposition de Million d’oiseaux d’or (avec la diérèse qui prolonge encore un peu le son du mot) à future Vigueur, comme une dernière fusée lancée.

Lèbre-Kafka-Ortlieb-Rimbaud

Le livre de Jacques Lèbre Le Poète est sous l’escalier (voir sur ce blog le billet du 10 décembre 2021) me donne envie de faire mes propres rapprochements entre les deux vers du Bateau ivre ci-dessus et un fragment du Journal de Kafka qu’il cite à la page 41 :

Il est parfaitement concevable que la splendeur de la vie se tienne prête à côté de chaque être et toujours dans sa plénitude, mais qu’elle soit voilée, enfouie dans les profondeurs, invisible, lointaine.

Splendeur en exil dans des « nuits sans fond » ? Ni Kafka ni Jacques Lèbre n’avaient peut-être Rimbaud en tête au moment d’écrire cela.
Et voilà qu’en jetant un coup d’œil latéral sur la page 40 du livre de Jacques Lèbre, j’aperçois une citation de Gilles Ortlieb sur la fragilité de la vie qui me renvoie curieusement à d’autres vers du Bateau ivre :

Notre position est, au bout du compte, à peine plus assurée que celle d’un bigorneau calé – par quel miracle et pour combien de temps ? – dans une anfractuosité où clapotent les marées.

« Où clapotent les marées » : Gilles Ortlieb pensait-il à la troisième strophe du Bateau ivre en se présentant dans une posture retranchée absolument contraire à celle de Rimbaud ?

“Le Bateau ivre”, copie de Verlaine

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

L’exubérant Voyant était bien loin de l’anfractuosité ou de l’escalier sous lesquels se tiennent modestement les poètes d’aujourd’hui. Chaque siècle donne ce qu’il lui est possible de donner.

 

 

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Panne

Tout est démonstratif aujourd’hui dans ma tête.  Un doigt se tend vers l’introuvable — sous l’amas de cervelle amorphe.

C’est amusant, cette ― trouve pas le mot. Ce féminin sans savoir si le mot l’est. Cette muette dans ma tête mollette.

C’est cette, cet, ces ou ce ? Plus je cherche et moins je trouve ― le sacripan qui se cache —
après ce cette ou ce ce.

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Ping pong de décembre

Espèces d’air

Il y a des jours où je remarque dans la physionomie des gens des espèces d’air que je n’ai pas le temps ou l’envie de qualifier (ils seraient plus vite et mieux mimés par un comédien).
Un exemple récent :
Je marche dans la rue. Un petit garçon me dépasse en trombe sur une trottinette. Derrière moi le père parle avec un autre adulte. Il crie à son gamin de ralentir. Le petit rebelle crie plus fort en roulant plus vite : « Y’a pas que toi qui es le chef, y’a plein de papas, plein d’autres chefs, plein d’autres papas qui sont les chefs ! » Je ris, me retourne et dis au papa: « Et les mamans, elles ne sont pas cheffes ? »
A l’espèce d’air du père et de son compagnon je comprends que ma remarque est à côté de la question (ou indiscrètement dans la question).

Si je devais définir l’espèce d’air en général : c’est comme une légère buée qui flotte autour des gens. Ou une petite musique qui passe aussi vite qu’une trottinette.
J’en ai déjà parlé ici, c’est un de mes sujets préférés. En voici une série de 2019 sur ceux des visiteurs de musées : https://patte-de-mouette.fr/2019/07/02/especes-dairs/

Ping

Si on suit le lien ci-dessus, on trouve sur le billet de juillet 2019 un ping vers celui d’aujourd’hui. Le ping est un rebond, ou une sorte de contre-écho appartenant à la chronologie inversée des blogs. Ce terme d’informatique me plaît beaucoup et je veux m’en faire une métaphore sans savoir encore très bien de quoi.
Ping n’est pas un nom chinois mais une onomatopée, puis l’acronyme de « Packet Internet Groper ». « Groper » signifie « tripoteur », « peloteur ». Tripoter les livres et peloter des paquets de mots dans tous les sens, voilà qui me convient.

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Jacques Lèbre sous l’escalier

Saint Alexis, de retour dans sa famille après un long pèlerinage, passe dix-sept années à jeûner sous l’escalier. Sans se faire reconnaître des siens, il les entend monter, descendre, parler… C’est la place que donne dans son dernier livre Jacques Lèbre au poète.

Saint Alexis reconnu mourant sous l’escalier de la maison de son père. Chapelle de Saint-Alexis, Limoges.

Discret comme Saint Alexis, Jacques Lèbre a beaucoup lu, entendu et retenu au fil des années, et dans ses « promenades à travers des correspondances » il nous donne à écouter les « longs échos » baudelairiens de ses lectures :

 De ce livre, au fond, je n’ai été que le scribe. Je n’ai fait que copier ce qui m’avait interrogé ou touché lors de mes lectures.On est tout de suite séduit par ce désir de faire résonner entre elles les phrases des auteurs aimés que l’on porte en soi, correspondances qui se développent au fil des saisons et des années « comme une vigne vierge sur un mur ».
D’autant plus séduit que dès la première page, Jacques Lèbre se démarque avec Philippe Jaccottet de la famille nombreuse des poètes égocentrés :

L’attachement à soi augmente l’opacité de la vie. Un moment de vrai oubli, et tous les écrans les uns derrière les autres deviennent transparents, de sorte qu’on voit la clarté jusqu’au fond, aussi loin que la vue porte ; et du coup plus rien ne pèse. Ainsi l’âme est vraiment changée en oiseau.

Et quelques lignes plus bas, cette Semaison se prolonge par une Neuvième poésie verticale de Roberto Juarroz :

Trop s’attacher à soi-même / c’est gaspiller la substance du monde.

Sans s’embarrasser de transitions, glissant aussi librement d’un thème à l’autre qu’il est passé de l’Europe à l’Amérique latine, Jacques Lèbre enchaîne des noms connus et peu connus : Henri Thomas,  Gilles Ortlieb, W. H. Auden, James Sacré, Robert Walser, Antoine Emaz… avant un retour à Jaccottet. Par approximations et déplacements successifs, sans rien de complaisant, pédant ou autoritaire, il pratique une lecture buissonnière comme l’aimait Jean-Pierre Richard, s’arrêtant et levant la tête au gré de ses émotions ou de sa rêverie, restant toujours au plus vif de sa relation aux textes. Les rapprochements qu’il établit entre les auteurs se succèdent à partir de plusieurs thèmes : amour, temps, suicide, répétition, poésie, vie, livres, mort, silence, solitude, blessure, identité, vie encore…

Je me suis lancé dans cette aventure en ayant une seule idée en tête, comptant sur les seules citations pour donner envie de lire.

Il réussit pleinement cette opération dans les 92 pages de son petit livre (j’ai pour ma part noté 16 ouvrages à acheter ou à emprunter, sans compter ceux que je possède déjà et souhaite relire).
Mais on entend aussi la voix du poète derrière celles qu’il fait dialoguer. Dans les dernières pages, il place fermement ses écrivains « buissonniers » comme J.-C Bailly, Ortlieb et quelques autres sur une branche voisine de celle des lecteurs de la même espèce :

J’appelle écrivains buissonniers ceux qui n’écrivent pas de romans et qui, de ce fait, sont un peu trop délaissés par la presse littéraire (…)

Nul doute que Jacques Lèbre en est un, dont j’ai irrésistiblement envie d’imiter les vagabondages en appliquant à son entreprise d’autres mots de Baudelaire :

Nous pouvons couper où nous voulons, moi ma rêverie, (…) le lecteur sa lecture. (…) Enlevez une vertèbre, et les deux morceaux de cette tortueuse fantaisie se rejoindront sans peine. (Lettre à Arsène Houssaye en préface du Spleen de Paris).

Vrai, simple, direct, libre, Le Poète est sous l’escalier est d’un bout à l’autre réjouissant pour toute personne aimant lire, écrire, rêver.

Le numéro 17 de la revue de poésie Phoenix avait pour « poète invité » Jacques Lèbre. Ma patte esquisse une lecture (assez buissonnière) de ce numéro dans un billet de 2018 : https://patte-de-mouette.fr/2018/11/20/nez-en-bas-nez-en-lair-avec-jacques-lebre/

 

 

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Orthographe et paillardise

Lulu me demandait hier pourquoi je ne signalais pas aux éditeurs les erreurs orthographiques que je remarquais dans leurs livres.
Je lui ai répondu par une chanson que nous chantait maman dans la voiture.

(Sur un air de trompe de chasse.)

Monsieur de Dampierre ayant déclaré
Que tous les cocus devaient être noyés,
Madame de Dampierre lui a demandé
S’il était si sûr de savoir nager.

(Maman disait par bienséance : “que tous les humhum devaient être noyés”, mais bien sûr nous savions qu’il s’agissait des cocus sans comprendre exactement ce que ça signifiait).

Cette histoire pour dire que si on veut jouer les vestales ou les scrogneugneux (avec un x ou un s ?) de l’orthographe, il faut être bien sûr de savoir nager dans les accords grammaticaux.

Jean-Baptiste Oudry : Marc-Antoine, marquis de Dampierre (fragment du tableau : “Louis XV chassant le cerf dans la forêt de Saint-Germain”).

Mais voilà qu’une fois de plus Internet m’entraîne tout à fait ailleurs. J’y découvre que Marc-Antoine de Dampierre (1676-1756) était le maître de vénerie du duc du Maine, puis gentilhomme des Menus-Plaisirs de Louis XV, et en même temps comédien et musicien. Ayant fait perfectionner la trompe de chasse du roi, il fut considéré comme virtuose de la trompe… Madame de Dampierre ne devait pas voir souvent son mari et il n’est pas difficile d’imaginer qu’elle a cédé, elle aussi, à quelques tentations.

On trouve sur le web plusieurs versions de cette chanson paillarde. Toute la Cour y passe : le duc de Chevreuse, le duc de Bordeaux, le comte d’Artois et la duchesse de La Trémouille qui rime assez richement avec « couille ».

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Concession

J’ai beau ne pas m’ériger en vestale de l’orthographe (on a tous des moments d’inattention),  il y a des choses qui me chagrinent. Par exemple, cette confusion croissante que je trouve aujourd’hui dans les œuvres littéraires les mieux écrites et les plus soigneusement éditées  entre quoique et quoi que.

Ce lapinot trouvé sur Google ne résout pas grand-chose car la situation est encore pire pour quelque/quel(le) que soit– déformé parfois en tel(le) que –  / quelque que.

J’en ai composé une autodictée :

– Quoi que je fasse on me dit : « À refaire ».
– Quoique je travaille bien on me dit : « À refaire ».
– Quelle que soit mon ardeur au travail on me dit : « À refaire ».
– Quelque grande que soit mon ardeur au travail on me dit : « À refaire ».

Toutes ces  conjonctions servent à exprimer la relation de concession. Je n’arrive malheureusement plus à mettre la main sur une vieille grammaire de 4ème/3ème que j’utilisais avec mes élèves et qui abordait “les subordonnées d’opposition et de concession” avec beaucoup de simplicité et de clarté. Je me rabats sur la non moins vieille Grammaire du français classique et moderne de Wagner et Pinchon qui donne une définition de la concession :

Quand une action ou un état semblent devoir entraîner une certaine conséquence, l’opposition naît de ce qu’une conséquence contraire, inattendue, se produit. C’est ce qu’on nomme la concession ou la cause contraire.

À la différence de l’opposition dite « simple », la concession est donc un choc entre une cause et une conséquence non voulue, comme dans mon autodictée. Ceci me rappelle à quel point les relations d’opposition, de cause, de conséquence, de temps et de condition sont mêlées. Par les exemples de Wagner et Pinchon, on comprend ensuite que la phrase suivante de Supervielle contient une opposition “simple”, avec une nuance plus temporelle que causale :

Et tu n’as pas honte de diriger le pillage d’un bateau, quand tu prétends être notre directeur de conscience.

Et celle-là, de Balzac, contient une concession, c’est à dire une “cause contraire”, entraînant cette fois une compensation :

Quelque grossière que soit une créature, dès qu’elle exprime une affection forte et vraie, elle exhale un fluide particulier.

Il y a dans cette dernière phrase concessive une façon généreuse de rendre justice aux choses et aux gens, une sorte de fair-play qu’un élève de 3ème comprend tout de suite : concéder un corner au foot, c’est l’accorder à l’adversaire.

Mais cette élégance de la concession lui permet aussi d’être une arme rhétorique à fleurets mouchetés que les universitaires connaissent bien. C’est l’art perfide de faire semblant d’accepter un argument pour garder l’avantage et mieux couper le sifflet à l’autre : “Certes, vous direz que… (long développement onctueux) mais… paf.”

Lien sur ce blog  : https://patte-de-mouette.fr/2018/02/08/sur-lhabitude-de-lire-les-fautes-dorthographe/

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Tant que

                                                                                                                             Pour Marie-Paule

Tant que j’aurai un papier, un stylo, au moins un genou, au moins une main, au moins un œil, et ma petite gaieté, je me sentirai à l’abri du pire.
(A la sauvette, parfois.)

Tant que j’aurai mes cahiers de citations j’oserai avancer :

Pas besoin de beaucoup d’espace, si on creuse. (Antoine Emaz)
En résumé il n’y a pas de sujet, il n’y a que ce qu’on éprouve. (Emmanuel Bove)
– “Ciel” dit plus que “ciel bleu”. (Jules Renard)
Etc.

Et tant que j’aurai ce blog pour reprendre ces cahiers…

Je disais dans un billet de 2018 :
« J’éprouve quatre plaisirs à copier dans un cahier spécial les phrases des auteurs que j’aime : écrire à la main sur des lignes ; absorber physiquement la phrase que je relève au moment où je l’écris ; relier des phrases aimées à d’autres phrases aimées ; relire ce que j’ai copié qui jamais ne me déçoit et toujours me remet au centre de moi-même. »
J’ajoute aujourd’hui un cinquième plaisir : voir et toucher les couvertures de mes cahiers de citations. Lignes, plumes, jungle, et le travail paisible de la laitière.

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