La Fontaine aura quatre cents ans dans une dizaine de jours, le 8 juillet 2021. Pour commencer à célébrer son anniversaire je picore aujourd’hui une Fable : Le Statuaire et la statue de Jupiter (livre IX, fable 6).
En voici quelques vers :
Un bloc de marbre était si beau
Qu’un statuaire en fit l’emplette.
« Qu’en fera, dit-il, mon ciseau ?
Sera-t-il dieu, table ou cuvette ?
Il sera dieu : même je veux
Qu’il ait en sa main un tonnerre.
Tremblez, humains ! faites des vœux :
Voici le maître de la terre ».
(…)
Même l’on dit que l’ouvrier
Eut à peine achevé l’image,
Qu’on le vit frémir le premier,
Et redouter son propre ouvrage (…)
Avoir peur des figures redoutables qu’il vient de façonner n’est pas plus exceptionnel pour un artiste que d’en tomber amoureux comme Pygmalion. La Fontaine, qui ne partage en rien le frisson de son sculpteur, considère avec un détachement amusé cette manière “d’embrasser violemment les intérêts” d’une chimère :
Il était enfant en ceci ;
Les enfants n’ont l’âme occupée
Que du continuel souci
Qu’on ne fâche point leur poupée.
(…)
Et il termine la fable sur ces deux vers :
L’homme est de glace aux vérités ;
Il est de feu pour les mensonges.
Le bon sens classique de La Fontaine est encore loin du cri d’effroi du peintre d’Edgar Poe devant le portrait ovale qu’il vient d’achever : « En vérité, c’est la Vie elle-même ».
Un autre cri d’effroi a récemment fait parler de lui, celui de la célèbre toile de Munch. En effet, à peine visible sur la partie supérieure gauche de la première version du tableau, on trouve une mystérieuse inscription au crayon : « Ne peut avoir été peint que par un fou », attribuée longtemps à un visiteur malveillant. Or, un examen effectué en février dernier par le Musée National d’Oslo a établi qu’elle est du peintre lui-même.
A-t-il été atterré par l’épouvante que dit son œuvre ?
Selon Mai Britt Guleng, conservatrice au Musée National d’Oslo, cette inscription que Munch n’a jamais effacée est un pied de nez à ses détracteurs, en particulier un certain étudiant en médecine qui avait remis en question sa santé mentale.
Mais une inquiétude au sujet du Cri a peut-être continué à sourdre en Munch, dont la soeur a été internée en psychiatrie et qui n’a lui-même jamais voulu avoir d’enfants de peur qu’ils soient fous. Mai Britt Guleng a trouvé dans ses Mémoires écrites trente ans plus tard une évocation du jeune carabin médisant, accompagnée d’un commentaire où le peintre affirme avec hauteur l’autonomie de l’art :
Les gens comme lui n’ont rien compris : peindre la maladie, la mort, l’angoisse n’a rien à voir avec souffrir soi-même de folie. C’est au contraire le propre d’une œuvre d’art.
Source principale de ces informations : https://www.letemps.ch/culture/une-mysterieuse-inscription-cri-munch-livre-secrets