Leur puissance et leur rapidité dans l’eau sont étonnantes comparées à leur souplesse un peu lourdaude sur la terre. Mais on les sent heureux dans les deux éléments.
Contrairement à ce qu’on s’imagine des animaux non domestiqués, ils ne sont pas du tout furtifs. Ils ne se cachent pas, ne fuient pas, tiennent tranquillement leur place dans le monde, vous regardent droit dans les yeux avec une innocence tranquille mêlée de mélancolie.
Voici quelques observations attendries de Michelet (La Mer) qui leur trouve une intelligence moins grimaçante que celle des singes :
Je me souviendrai toujours des phoques du Jardin d’Amsterdam, charmant musée, si riche, si bien organisé, et l’un des beaux lieux de la terre. C’était le 12 juillet, après une pluie d’orage ; l’air était lourd ; deux phoques cherchaient le frais au fond de l’eau, nageaient et bondissaient. Quand ils se reposèrent, ils regardèrent le voyageur, intelligents et sympathiques, posèrent sur moi leurs doux yeux de velours. Le regard était un peu triste. Il leur manquait, il me manquait aussi la langue intermédiaire. On ne peut pas en détacher les yeux. On regrette, entre l’âme et l’âme, d’avoir cette éternelle barrière.
La terre est leur patrie de cœur : ils y naissent, ils y aiment ; blessés, ils y viennent mourir. Ils y mènent leurs femelles enceintes, les couchent sur les algues et les nourrissent de poisson. Ils sont doux, bons voisins, se défendent l’un l’autre.
Mais les mâles sont tyranniques. Au bord des océans se jouent des tragédies qui auraient inspiré Shakespeare et Puccini :
Seulement, au temps d’amour, ils délirent et se battent. Chacun a trois ou quatre épouses, qu’il établit à terre sur un rocher mousseux d’étendue suffisante. C’est son quartier à lui, et il ne souffre pas qu’on empiète, fait respecter son droit d’occupation. Les femelles sont douces et sans défense. Si on leur fait du mal, elles pleurent, s’agitent douloureusement avec des regards de désespoir.
Les phoques sont également décrits – avec une attention moins romantique – dans le tome XIII de L’Histoire Naturelle de Buffon.