Iftikhar
Je garde le souvenir d’un haïku écrit par la petite Iftikhar, élève de 6ème :
le monde est beau
les gens riches
les gens pauvres
Je l’ai rencontrée six ou sept ans plus tard dans la rue, voilée de noir, sans un cheveu qui dépassait, l’air heureux, glorieux, même.
Deux petites notes autour d’Edgar Poe

Harry Clarke, illustration pour “Une Descente dans le Maelstrom”
Il m’arrive de temps en temps de penser avec effroi à l’étrange et pensif narrateur du conte Bérénice qui, contemplant sa cousine et fiancée, croit que « toutes ses dents étaient des idées ».
Des idées ! Ah ! voilà la pensée absurde qui m’a perdu ! des idées ! — ah ! voilà donc pourquoi je les convoitais si follement ! Je sentais que leur possession pouvait seule me rendre la paix et rétablir ma raison.
(J’ai plutôt l’impression aujourd’hui d’être entourée de gens dont toutes les idées sont des dents, ce qui m’effraie d’une autre manière.)

Harry Clarke, illustration pour “Landor’s Cottage”
Mon amie Tatiana voit la psychanalyse et la littérature comme deux montagnes jumelles escarpées. Je me suis longtemps demandé s’il y a un téléphérique pour passer de l’une à l’autre. Aujourd’hui il me semble que c’est plutôt un fil invisible, un cours d’eau souterrain en pointillés, ou une route comme celles qu’affectionne Edgar Poe :
Le sol était singulièrement ondulé ; et, depuis une heure, le chemin, comme s’il voulait se maintenir à l’intérieur des vallées, décrivait des sinuosités si compliquées, qu’il m’était actuellement impossible de deviner dans quelle direction était situé le joli village de B…, où j’avais décidé de passer la nuit. Le soleil avait à peine « brillé », strictement parlant, pendant la journée, qui pourtant avait été cruellement chaude. Un brouillard fumeux, ressemblant à celui de « l’été indien », enveloppait toute chose et ajoutait naturellement à mon incertitude.
(Le Cottage Landor, Histoires grotesques et sérieuses, traduction de Baudelaire)
Gros mots
Il n’y a plus grand monde qui s’exclame en France « purée » au lieu de « putain », ou “mercredi » au lieu de « merde ». De même qu’on ne s’exclame plus en Espagne “joroba” (bosse) à la place de « joder » (verbe baiser), ni « ostra » (huître) à la place de “hostia ».
Mais on a gardé en Espagne l’usage de profaner exclamativement les hosties. La langue fait surgir le tréfonds chrétien que les mœurs tendent à effacer. La France laïque et crue a pour sa part oublié « pardieu », « tudieu » et « palsambleu ».
Je plaide donc pour le retour de « Ventre Saint-Gris », juron préféré de Henri IV, euphémisme obscur de « ventredieu » mêlé de « vendredi saint » ou de « ventre du Saint-Esprit » (Wiktionnaire).